Contrairement à ce que pensent les nombreux réfractaires à l’art contemporain, ce dernier peut tout aussi bien réintégrer des codes et supports imposés par la tradition. Mais comme une option au service d’une idée, d’une exposition ou plus simplement d’une référence (un hommage, une parodie, une exploration, re-visitation…).

Ainsi, Ugo Rondinone n’a-t-il point hésité à recourir au dessin, à la peinture ou à la sculpture pour remodeler le Carré d’art à la lumière de sa pensée ouverte au monde, à la nature, à la terre comme au ciel. Il faut de tout pour faire un univers et c’est bien ce que l’on se dit en parcourant les salles. Les sculptures d’abord, renvoyant aux trois éléments : la terre, le ciel, les eaux puisqu’il s’agit successivement, d’oiseaux, de poissons suspendus et de chevaux miniatures, en bronze patine s’il vous plaît. On s’amusera à étudier les postures de chacun et donc le parti pris de diversité qui nous change de la logique répétitive et de la standardisation dominante.

En l’occurrence, ils paraissent ne point se soucier de notre présence, ce qui rétablit un certain équilibre avec notre espèce. Les six dessins figurant des paysages, à l’encre en noir et blanc sont remarquables. Ils impressionnent par leur dimension, et par leur habileté technique, et aussi par l’impression de paradis perdu qu’ils inspirent. On est toujours quoi qu’il en soit, dans l’élément-terre. Avec les cinq grandes peintures étoilées, on est forcé de lever quelque peu la tête et de se perdre dans l’infinité des choses, soumises aux limites du regard et de la pensée. Ne sommes-nous pas entourés de néant d’où émanent toutefois de précieuses lumières ?

Par ailleurs, Ugo Rondinone n’a point hésité à percer les cloisons pour y insérer des vitraux qui suspendent le temps des horloges. On est alors dans les couleurs célestes, celle de la lumière. D’où ces sept grands nuages, qui terminent l’exposition, dont les supports adoptent les contours, dans un dégradé de bleu, que j’ai envie de qualifier d’optimiste et rassurant. On notera l’absence d’humains. Mais en a-t-on besoin d’une part car le public se charge d’habiter ce bienheureux temps d’un avant l’homme et d’autre part du fait que l’humain est de toute manière présent derrière la Création.

Car le créateur se substitue ici au Créateur dont-il reconstitue en microcosme, le monde parfait auquel on se plaît à rêver. Au bout du compte, une exposition qui, quelle que soit la façon dont on peut la lire, ou l’interpréter, frappe par sa simplicité formelle, par une certaine fraîcheur aussi, et qui pourrait bien réconcilier Carré d’art avec un grand public qui le suspecte d’élitisme. Un masque géant à l’entrée nous prévient que l’on va quitter un monde pour en pénétrer un autre sans doute plus archaïque et intemporel, histoire de renouer avec nos fondamentaux.

Une expo qu’il faut prendre son temps de voir et revoir, car elle se lit selon plusieurs niveaux, du plus littéral au plus habile.

BTN

Jusqu’au 18 septembre – Place de la Maison Carrée.
Tél. 04 66 76 35 77.