En attendant la programmation de Nicolas Bouriaud, la Panacée nous invite au voyage aérien. L’aéroport est un carrefour de communication et de commerce devenu incontournable et les artistes ne pouvaient qu’être interpellés par toutes les connotations qu’il inspire. Dans les années 60, Butor publiait son Réseau aérien, montrant les bouleversements que le contrôle technique des airs apportait à notre vision du monde.

Exposition internationale comme il se doit, en partenariat avec l’aéroport tout proche. Cela commence par un écran pour des destinations inédites et imaginaires, signées Jasmina Cibic, tandis que Cécile Babiole amplifie le trafic réel et nous en révèle la source visuellement. Ensuite c’est une file d’attente délimitée par un labyrinthe lyrique, de l’allemand Matthias Gommel, où nous avons tout le temps de traduire et interpréter une chanson de marin. On fait alors face à un incroyable portique de contrôle, conçu par le hollandais Marnix de Nijs, où nous sommes flashés et assimilés, une fois le seuil franchi, à de grands criminels.

Au mur, des photos aériennes, empruntées à Google Map, dans leur écrin lumineux, de l’irlandais David Thomas Smith, traitées sur le modèle d’un tapis persan, avec force arabesques et symétries, très puissantes d’aspect. Dans les petites pièces attenantes, les photos indiscrètes de l’anglais Richard Baker dans l’aéroport de Londres, et un choix raisonné de documents parmi les milliers d’articles illicites saisis à la douane, effectué par l’américain Taryn Simon, assez effarant.

Un peu plus loin, les œuvres les plus marquantes de cette exposition : l’impressionnante entrée dans un avion vidé de tous ses accessoires, de la slovène Jasmina Cibic, on a vraiment l’impression d’en pénétrer l’espace. Une vidéo sur les rapports de l’aéroport avec les zones naturelles qui doivent composer avec lui, des italiens Zeno Franchini et Francesco Gattello. Et la très efficace vidéo de l’albanais Adrian Paci, où se découvre, à partir d’une passerelle solitaire, le sort allégorique des diversités migratoires. Une œuvre très forte.

Tandis que le drapeau, lui aussi très émouvant d’Audrey Martin flotte sur le patio, assorti d’une litho évoquant le large territoire concerné par la disparition de l’avion de la Malasia Airlines. Très belle installation visuelle et sonore, que le spectateur doit d’ailleurs pénétrer, du collectif Lab, qui nous convie à un jeu permanent de lettres et de mots tournants, dans une installation suspendue d’afficheur mécanique, circulaire et en relief.

Enfin, dans la dernière salle, outre la trace d’une performance de Jonathan Monk (convoquant Marcel Duchamp, forcément), une intervention collective de Raqs media avec des horloges, 24 citadines + 3 imaginaires, où les chiffres sont remplacés par des émotions, au son d’un battement de cœur, alors qu’un visage impassible s’affiche sur quatre écrans alternatifs. 3 artistes français imaginent un projet de transport du Guggenheim à Helsinki. Et deux canadiens qui interrogent, en vidéo, les systèmes de sécurité.

Signalons aussi le poste de contrôle d’un drone reconstitué par Joseph Popper. En sortant les abords d’aéroports filmés par Cedrick Eymenier. Une exposition plutôt ludique, d’autant que certains terminaux sont mis à la disposition du public, et qui amène à voir la réalité aéroportuaire autrement. C’est au fond ce que l’on demande aux artistes : revisiter le quotidien ou le banal et d’en montrer les dessous, les travers ou, au contraire, la beauté cachée. Suite des œuvres à l’aéroport, notamment celle du taïwannais An Te Liu.

BTN

Jusqu’au 28 août
14, rue École de Pharmacie.
Tél. 04 34 88 79 79. www.lapanacee.org