Shannon Guerrico est une jeune photographe qui cherche à inviter les amateurs dans son univers particulier que l’on pourrait apparenter à celui des contes et légendes. C’est dire en effet si l’on sent, dans ses réalisations, comme l’émergence d’un monde parallèle dont elle cherche à décliner les histoires, par l’enchaînement même des tirages.
Et puis Shannon Guerrico n’est pas jalousement arc-boutée sur un territoire. Sa recherche peut donner corps à l’image non seulement par l’intégration d’objets à tout un dispositif d’installation mais aussi à des collages, ou à des expériences de découpage de papier peint. Certes, l’expo qui nous est proposée en la galerie d’Annie Gabrielli, est inspirée d’une résidence en Islande, où le peu d’habitants laisse libre cours à des processus compensatoires qui relèvent de l’imaginaire, de « petits arrangements avec le surnaturel », l’univers proposé s’avérant essentiellement mental. On pourrait même avancer que Shannon Guerrico a réussi à franchir les portes de corne du rêve dont parle quelque part Nerval.
Le flouté des paysages contribue à cette impression, de même que la silhouette spectrale d’un portrait qui conserve tout son mystère. Il nous ouvre au pays des peuples invisible qui hantent les histoires ancestrales. Il faut dire que l’artiste est d’origine irlandaise, pays quelque peu pluvieux, et donc propice à l’émergence d’un univers intérieur, mais également sudaméricaine, plus exubérant. La pluie pour le soleil, cela fait souvent un arc en ciel et c’est l’exotisme de ce pont scintillant, l’écharpe d’iris que Shannon Guerrico a choisi comme titre : Bifröst. Ces voyages auxquels elle nous convie relèvent quelque part d’un entre deux. D’une lisière de l’esprit où l’intime et l’universel cessent d’être perçus comme contradictoires.
A nous d’y répondre en projetant notre imaginaire dans cet univers original qui confine au mythe puisque le style relève selon Barthes de la mythologie personnelle du créateur. Ajoutons qu’elle vit en Suisse et est donc un peu citoyenne du monde. En ce qu’il a d’universel : nos mythes au logis.
BTN
Jusqu’au 5 nov, à la Galerie Annie Gabrielli – 33, Avenue F. Delmas à Montpellier (34). Tél. 06 71 28 53 24.