Dans La Blanche chez Gallimard, j’ai découvert mon coup de cœur de cette rentrée littéraire. François-Henri Désérable signe à nouveau un bijou avec Un certain M. Piekielny. Dans la trame d’Evariste, petit chef d’œuvre qui l’a rendu grand, il reprend ses propres codes de la biographie imaginaire. Peindre un portait loin de son modèle… Raconter une histoire que le temps a perdue…C’est là que réside le talent de ce jeune auteur capable de regarder un film les yeux fermés.
Alors il nous les bande, les yeux, et nous entraine avec lui dans ses souvenirs fabriqués. Il s’empare du corps, à tâtons, pour maîtriser la tête. Comme le magicien qui coupe son assistante en deux, modelant la réalité à son avantage.Cannibale, il dévore dans le souvenir tout ce qu’il y a d’humain, jusqu’à rendre hyperréaliste le fantastique. S’étendre sur un rien. Etoffer le néant…Une imagination sans limite ne peut elle pas exagérer, affabuler, tordre la mémoire à sa convenance ? Quand le doute s’empare de sa plume (« Mouchoir, s’il vous plaît »), c’est peut-être Marion qui l’aide à vaincre la page blanche…
« Tu cherches des alibis, (…), des alibis pour ne pas écrire » Comme si Désérable avait besoin de preuve, de matière concrète pour écrire. D’ailleurs Romain Gary avait aussi, selon Roger Grenier, « des petits arrangements avec la réalité ». Le style, époustouflant, est une leçon de synthèse. Il malaxe les époques et les mœurs créant une intemporalité du langage, et du propos. Insolent comme il faut… Il sait tenir en haleine, couper le souffle, puis laisser respirer. Un roman élastique. Tour à tour dense et léger, drôle et sensible, jeune et désuet.Bref, une bibliothèque digne de ce nom ne pourra s’en priver. NC
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