Pourquoi bouderions-nous notre satisfaction de voir enfin un collectionneur français ouvert à la scène artistique de son pays ? Présentée au MO.CO. à Montpellier jusqu’au 12 janvier, la collection de Laurent Dumas, même si l’on n’en voit qu’une infime partie grâce aux sélections d’Eric de Chassey, est sur ce point exemplaire. Au-delà de l’amitié qui lie les deux hommes, on appréciera le caractère tribal des choix initiaux du premier, lesquels nous font retrouver des notions plus humaines que celles associées à la mondialisation, notamment l’idée que, sur un territoire donné, vivent des individus, les artistes, avec lesquels lier des relations plus directes. Simple bon sens et non nationalisme militant.
On trouve dans cette sélection aussi bien des figures historiques, dès les premières salles, ce qui nous rafraîchit la mémoire, que des plus jeunes en situation d’émergence ou de devenir (Dora Jeridi, Paul Mignard, Rayan Yasmineh). Pour les premiers, on s’immerge dans des ensembles significatifs consacrés à Alain Jacquet (dont le célèbre Déjeuner sur l’herbe), à Jean-Michel Alberola figure-phare des années 80 (dont un portrait de Fred Astaire), le nouveau-réaliste Daniel Spoerri (dont une tapisserie enrichie d’un rostre de poisson-scie), l’ancien Supports-Surfaces Jean-Pierre Pincemin (dont un flamboyant Arbre au tombeau). Boltanski, Messager, Dietman, l’affichiste Hains… Les goûts sont manifestement éclectiques.
Renaud Auguste-Dormeuil assure la transition avec et avant la réapparition générale de la peinture, laquelle justifie le choix de cette Collection par le MO.CO. : d’où l’amusante enseigne lumineuse Jusqu’ici tout va bien et surtout grâce au portrait photographique du collectionneur amputé de ce qui constitue charnellement son égo. Une Vanité détournée en quelque sorte.
Les trois immenses salles qui suivent, à chaque étage, alternent aussi des florilèges conséquents (Bruno Perramant et son Lazare semblant ressusciter la peinture, Claire Tabouret et sa photo de classe, Nina Childress…), plus modérés (deux à trois toiles pour François Deroubaix, Agnès Thurnauer, George Tony Stoll, Romain Bernini..), ou un seul tableau mais imposant pour Djamel Tatah, Christian Bonnefoi, le regretté Elliott Dubail, Anne-Marie Schneider.
Certains frappent par leur monumentalité (La Parade d’Assan Smati dépasse largement les 5m, le collage imprimé de Thomas Hirschhorn les avoisine, La Fureur d’Hélène Delprat frôle les 10m…) d’autres par leur discrétion (les deux collages de feutre sur les Fauteuils, de Tatiana Trouvé, l’hyperréaliste femme qui se balance au-dessus de la ville par Loulou Picasso).
D’un point de vue thématique bon nombre d’œuvres sont empreintes de cette violence qui caractérise l’histoire ou l’actualité (les revendications de Kiki Picasso, les œuvres au noir de Loris Gréaud, la danse macabre de Damien Deroubaix, le sacrifice d’Isaac revu en sculpture par Adel Abdessemed). D’autres paraissent plus apaisées (les Sunflowers, de Dove Allouche). La sculpture ou l’installation montrent de temps à autre le bout de leur nez (Colère néo-réaliste d’Arman, bustes encaustiqués de Raphaël Denis, Gueule cassée et masque de Kader Attia, Acropole en équilibre d’Edgar Sarin…).
Les artistes issus de l’étranger, mais résidant en France, ne sont pas ignorés et ouvrent sur l’international (le Camerounais Barthélémy Toguo, concepteur du futur tram 5 montpelliérain, l’Allemande Ulla Von Brandenburg).
L’expo s’achève sur un diptyque dessiné par Célia Muller et représentant une énorme vague. Celle qui se révèle actuellement et enrichira le fonds déjà si conséquent du collectionneur ? On l’espère pour la scène française, soutenue par les galeries du moins…
BTN
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