Double exposition respectant la parité au musée Fabre cet hiver et de deux générations différentes, la seconde ayant été l’élève du premier. Pierre Buraglio, compagnon de route de Supports-Surfaces, n’est point un inconnu dans la région où Hélène Trintignan, Samira Cambie, et bien évidemment le musée Fabre l’ont exposé.
Ses agrafages, assemblages de chutes de toile ou de matériaux trouvés, de paquets de cigarettes aplanis par exemple, preuve de l’attachement de l’artiste au quotidien, avaient fait sensation galerie Fournier, bien représentée au musée Fabre, dès les années 60-70.
Plus tard, Buraglio s’est focalisé sur le problème du cadre et à son corollaire, la fenêtre dont on sait qu’elle métaphorise, pour bon nombre de peintres, la peinture ouverte, en particulier, sur les paysages. Les encoignures qu’il réalise, en recourant au verre coloré, semblent les métonymies de la fenêtre entière et de tout ce que l’on peut y intégrer d’imaginaire ou de réel. L’intérêt se porte sur les petites choses, auxquelles on ne prête guère attention, mais qui frappent par leur beauté.
Pensons à ces portières de 2 CV et à leur vitre courbée, façon de rendre hommage à des objets populaires et invitation au voyage. Tout tableau étant une fenêtre, il n’est ainsi guère étonnant qu’il s’attaque, au musée Fabre, à ceux de la collection qui auront retenu son attention et se confronte à eux, lui qui n’hésite pas à utiliser l’huile sur panneau contreplaqué. Il a également introduit la figure, ou le paysage, et également des renvois explicites à la guerre qu’il a connue enfant, ce qui souligne son attachement à la condition humaine et en l’occurrence à objets simples, qui font le quotidien du soldat (casque).
Pierre Buraglio travaille …D’après…Autour…Avec…Selon, titre de cette exposition, prépositions qui marquent un recul, une distanciation. Au musée Fabre, il la prendra avec les chefs-d’œuvre. Dis-moi ce que tu choisis, je te dirai qui tu es. D’autant qu’il semble le plus souvent fuir les formes traditionnelles du tableau auxquelles il substitue les siennes, irrégulières et diverses, liées aux aléas de l’assemblage. Buraglio est l’un des rares artistes à avoir su combiner la postérité du Tout trouvé de Duchamp et la tradition picturale qu’il déconstruit en homme de son temps qu’il est resté.
Dominique de Beir, qui a fait un don important au musée, travaille dans l’impact, la perforation ou l’altération. Ce n’est pas peu dire qu’elle maltraite les matériaux, mais c’est pour mieux, en quelque sorte, les accoucher (au sens maïeutique du terme), les faire parler différemment. La destruction peut s’avérer constructive, un mal apparent peut cacher un bien ultérieur et l’un des premiers actes du petit humain est sans doute destructeur.
Ainsi, on l’a vu perforer et peindre sur du papier braille ou impacter du carton imprimé, des feuilles de comptabilité. Son geste n’est pas dépourvu de violence, mais c’est pour aboutir à des planches de dentelles, des œuvres que l’on se sent obligés d’aller voir de près. On est loin d’une peinture décorative. Ses matériaux sont pauvres ou communs, polystyrène ou carton, ses outils vont du Bic ou de l’encre (et l’on imagine un rapport particulier à l’écriture), à des découvertes fortuites ou à des recherches artisanales. Son système de répétition est libre, ses couleurs discrètes, ce qui ne les empêche pas d’être séduisantes.
L’artiste semble craindre l’opacité et l’épaisseur, dans ses supports comme dans son existence, qui est aussi la nôtre. Une œuvre sobre et qui ne fait pas de concession mais participe d’une quête, matérielle et spirituelle. Au musée Fabre, elle poursuit sa série d’Accroc & caractère, tout en interrogeant des sculptures et des peintures avec lesquelles elle entend entrer en résonance, en correspondance peut-être aussi.
BTN
Plus d’informations : museefabre.fr
©ADAGP-Paris-2024