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Montpellier : au MO.CO., l’artiste Kader Attia nous entraine dans sa « Descente au paradis », jusqu’au 22 septembre

14 Août 2024 | Expos, Expos, Hérault

Descente au paradis. Kader Attia sait manier la langue, ses oxymores et paradoxes. En fait, la structure du MO.CO., avec son sous-sol et ses niveaux intermédiaires, offraient des ressemblances avec La Divine Comédie dantesque, laquelle justement s’achève par le Paradis espéré. Chez Attia, il se confond avec la vie spirituelle, la relation au monde en bonne harmonie avec la nature, la capacité de renaître et d’explorer de nouvelles voies.

Ainsi passe-t-on des photographies de jeunesse, focalisées sur les pierres carrées du port algérois invitant au voyage lumineux, une phase d’attente donc, au double écran qui clôt l’exposition, entourée de Totems hybrides, et relevant d’une sagesse venue de l’Extrême-Orient, dans un rapport privilégié aux arbres et une acceptation des nouveaux genres. Une incitation à réparer les erreurs et blessures passées. Entre temps, les bustes de gueules cassées, taillées à la hache dans le bois brut nous rappellent l’enfer sur Terre, de la violence et de la guerre. Les dizaines de prothèses suspendues permettent d’entretenir l’espoir qui se concrétise avec les arbres encore dénudés mais où poussent des lance-pierres révoltés, et qui parviennent à pousser parmi les pavés citadins tandis que des bâtons de pluie tournant comme des éoliennes, anticipent sur le retour du Paradis dans des pays particulièrement arrosés, de manière éternellement cyclique.

Le parti-pris politique est omniprésent, ainsi que le prouvent ces pierres prises dans un grillage, ou encore, ces vêtements bleus, posés en flaque, en hommage aux migrants, c’est le revers du voyage : la réalité des faits, une Mer Morte. Voire ces cannettes de bières pliées qui semblent former comme un pèlerinage grégaire, soumis, normé. Kader Attia fait flèche de tout bois puisque bon nombre de ces objets sont récupérés, détournés de leur fonction et réorientés vers une signification inattendue. Pensons à ses supports d’emballage, présentés comme des sculptures du pauvre. Une vidéo montre un cube de sucre s’effondrant sous les assauts du pétrole. Elle peut être perçue de manière esthétique ou morale (le blanc et le sombre, le pur et le visqueux, le bien et le mal) mais on peut se demander si l’artiste n’ironise pas sur le fait que notre société coloniale (pensons au commerce du sucre) ne saurait résister à la puissance des producteurs d’or noir, pour un temps encore. La partie paradisiaque nous plonge dans l’exotisme thaïlandais, une autre manière de voir, sans normes coercitives, avec une pensée primitive de bon sens. Après le rappel de nos architectures modernes, géantes et inhumaines, mêlées aux bâtiments du passé et à quelques remèdes, on revient aux temples ancestraux où le rapport au temps n’est pas le même, à la raison même (présence d’un medium) où l’espace est arboré (les véritables géants ce sont les arbres). Les totems, hybrides, puisque recouverts de miroirs, en sont issus.

Cette exposition se veut également poétique dans sa manière d’aborder les choses. Les formes sont pures (le cercle de cannettes), le rythme volontairement ralenti (le mouvement rotatif des bâtons de pluie, les deux vidéos finales sur écrans géants), les photographies admirablement composées selon des rapports de proportion idéaux. La notion de Réparation est bien mise en évidence par des toiles de coton recousues, comme après une blessure profonde, des calebasses murales aussi. Il y est question de beauté, mais celle-ci se mérite. Elle demande un minimum d’initiation. C’est le rôle du médium qu’est l’artiste d’en fournir sa vision.

BTN

Plus d’informations : moco.art

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