Sélectionner une page

Entretien avec Philippe Grison, Directeur général de l’Orchestre Régional Avignon Provence. (ORAP)

14 Mar 2018 | Classique & lyrique, Les interviews, Musiques

« Vers une labellisation d’Orchestre National de Région »

Compagnon fidèle de l’Opéra Grand Avignon, l’Orchestre Régional Avignon-Provence privilégie la diversité des genres et des styles. Ses programmes abordent la totalité du répertoire symphonique, du baroque au contemporain, avec le concours d’interprètes reconnus, sous la baguette notamment de Samuel Jean, premier chef invité depuis 2013.

Nommé Directeur général de l’ORAP en 2009, Philippe Grison l’a placé sur la voie d’une notoriété ascendante acquise à travers les concerts en France comme à l’étranger ainsi que par une importante activité discographique. Mais la vie d’un orchestre en région passe aussi par une multitude d’actions et d’initiatives, comme en témoigne l’activité intense de l’ensemble avignonnais.

A votre arrivée en 2009, vous avez trouvé un orchestre en pleine crise de confiance et dans une situation financière précaire. Aujourd’hui, peut-on dire que l’avenir est assuré, alors que les orchestres attachés à un Opéra dans notre pays semblent voués à des jours difficiles ?

Je suis venu à Avignon avec une mission de 6 mois pour mettre en œuvre un plan de sauvegarde dont m’avait chargé le ministère de la culture. L’Orchestre était alors en liquidation, avec un déficit de 1,7 million d’euros. Les tutelles ont joué le jeu et nous avons pu créer un service d’action culturelle et de médiation, monter une saison symphonique et inaugurer une discographie qui s’est avérée particulièrement judicieuse pour le rayonnement national et international de l’Orchestre. Nous en sommes d’ailleurs au 8ème enregistrement chez Universal ( label Decca) – Actes Sud – Klarthe. Le résultat de cette politique artistique est que nous avons aujourd’hui un orchestre de très haut niveau qui aborde tous les répertoires : classique, lyrique, musique contemporaine, crossover, sans compter les multiples créations. Le management que nous avons mis en place a sans doute aussi contribué à stabiliser la situation avec une équipe très réduite de 9 personnes polyvalentes.

On note la présence d’un orchestre à Avignon dès la fin du 18ème siècle. Est-ce à dire que la Ville a toujours témoigné sa plus grande attention à l’existence d’un ensemble musical au sein de la cité ?

On trouve en effet aux Archives nationales un programme qui date de 1844 et des documents montrent qu’un orchestre existe à Avignon depuis le 8 janvier 1814, ce que nous avons célébré en 2014 avec une saison du bicentenaire. Lors de l’étape de sauvegarde de l’Orchestre, alors qu’il était question de sa liquidation, cet argument a été entendu par les tutelles qui ont pris en compte le fait qu’il s’agissait du plus vieil orchestre de France et que cela méritait quelques efforts pour le préserver.

L’ORAP est une des formations qui se produit le plus en France. La multitude de chefs de renommée mondiale qui se sont succédé à sa tête, les solistes virtuoses fréquemment invités ou bien encore la discographie abondante expliquent-ils la notoriété actuelle ?

Nous avons mis en place une politique de rayonnement artistique qui n’existait pas auparavant, ce qui a abouti à la véritable construction de l’ORAP. Un fait significatif : 30 000 jeunes assistent aux concerts dans l’année, ce qui ne s’est pas fait en un seul jour, mais au terme d’une action de médiation constante qui a porté ses fruits. L’Orchestre produit huit concerts symphoniques par an à l’Opéra Grand Avignon, présente une quarantaine de concerts en région et accompagne huit productions lyriques portées par l’Opéra d’Avignon. La formation est accompagnée par des solistes et chefs d’orchestre à la notoriété avérée sur la scène classique actuelle. Le premier chef invité, Samuel Jean, a su lui communiquer sa remarquable force de proposition.

Vous vous produisez aussi à l’étranger, comme en Inde l’an dernier à l’occasion de l’année de la France dans ce pays. Quelle importance accordez-vous à cette reconnaissance internationale ?

Les tournées sont très importantes, elles contribuent de manière essentielle au rayonnement régional, national et international de l’Orchestre. Avant l’Inde, il y a eu la Corée du Sud et prochainement la Chine. La discographie est également un élément clé pour le rayonnement international, d’autant qu’elle est téléchargeable. Signe tangible de cette nouvelle notoriété, des solistes prestigieux du monde entier veulent se produire aujourd’hui avec l’Orchestre.

L’ambition de l’Orchestre est d’aller vers tous les publics et toutes les musiques.

L’ORAP s’attache à développer l’ouverture aux musiques actuelles. Ce choix participe-t-il d’une démarche citoyenne pour inscrire la musique au sein de la cité, comme semble le montrer votre investissement auprès du jeune public ?

Au cours de mon itinéraire professionnel, j’ai été amené à travailler avec les musiques actuelles et les musiques électroniques, et j’en ai conservé le goût. L’ambition de l’Orchestre est d’aller vers tous les publics et toutes les musiques, même si notre premier métier reste évidemment la musique classique Cette volonté d’implantation populaire s’est affirmée à travers un programme spécifique « L’Orchestre s’éclate en ville » qui nous permis d’aller à la rencontre du public dans des lieux plus insolites, comme la Maison Jean Vilar ou l’Hôtel d’Europe, mais aussi les quartiers Nord à Marseille. L’influence de notre chef actuel, Samuel Jean, est déterminante dans cette diversité de répertoire. Nous avons programmé un spectacle autour de Broadway avec Isabelle Georges, l’an prochain avec la star américaine Jeff Mills, et il y a aussi un projet avec Grand Corps Malade.

Comment voyez-vous l’évolution de l’ORAP, orchestre associatif dont le statut est assez rare de nos jours, alors que le mécénat traîne encore les pieds pour la musique, en raison peut-être de l’archaïsme des dispositifs d’Etat envers les mécènes. Par ailleurs, la compétence culturelle du Grand Avignon qui vous lie à l’agglomération peut-elle offrir un environnement favorable au rayonnement de l’ORAP ?

Un projet de fusion Opéra-Orchestre est aujourd’hui gelé. La ligne actuelle est plutôt d’aller vers une labellisation d’Orchestre National de Région, sachant que l’Etat reste le premier financeur, que le Grand Avignon nous soutient avec 612 000 euros de subvention par an, le Département avec 615 000, la Ville avec 600 000, la Région avec 600 000 également. Nous avons relancé le mécénat grâce au partenariat d’un cercle important d’entrepreneurs qui abondent notre politique artistique, tout comme l’édition discographique avec des solistes réputés. Un élément essentiel pour la pérennité de l’Orchestre est la fidélité du public, avec 70 000 spectateurs en moyenne par an, ce qui nous permet d’aborder l’avenir avec optimisme, malgré le déménagement en Courtine à l’Opéra Confluence pendant les travaux de rénovation de l’Opéra.

Propos recueillis par Luis Armengol.

Un nouveau disque avec Nathalie Manfrino

En collaboration avec la soprano Nathalie Manfrino, l’Orchestre Régional Avignon-Provence vient de sortir chez Decca un huitième enregistrement dont le titre est « Opéra, une histoire d’amour » et le sous-titre « Destins de femmes ». Il s’agit d’un opéra imaginaire inspiré de Carmen, La Bohème et La Traviata. Sous la direction de Samuel Jean, l’Orchestre accompagne Nathalie Manfrino, la mezzo-soprano Anaïk Morel, le ténor Jean-François Morel et le baryton Etienne Dupuis.

CatégoriesClassique & lyrique | Les interviews | Musiques

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi