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Entretien avec Marie Antunes, directrice de l’Atelline à Juvignac : « Il faut continuer à soutenir la création »

22 Déc 2020 | Arts métissés, Hérault, Les interviews, Spectacles vivants

Installée à Juvignac, l’Atelline est un lieu d’activation art et espace public. Chaque année, il accueille de nombreuses compagnies qui jouent avec l’espace urbain pour leur création. Alors que la crise sanitaire a mis à l’arrêt le monde de la culture, rencontre avec Marie Antunes, directrice de l’Atelline, pour parler de ce lieu d’accueil pour les artistes et les projets de la structure. 

Depuis combien de temps existe l’Atelline ? 

L’Atelline existe depuis 14 ans et a été créé à l’initiative de la CIA (la Compagnie Internationale Alligators), une compagnie des arts de la rue. À cette époque, la CIA était installée à Villeneuve-lès-Maguelone. Rapidement, ils ont recruté quelqu’un à la direction pour diriger le projet d’accompagnement et de soutien à la création en espace public. Puis, poussé par la DRAC et la Région Languedoc-Roussillon, il y a eu une volonté de rendre les deux projets autonomes. L’association Atelline est donc née en 2014 et nous avons quitté Villeneuve-lès-Maguelone pour le quartier Croix d’Argent à Montpellier. De mon côté, j’ai pris la direction de l’Atelline en novembre 2017.Très vite, j’ai su qu’il fallait que l’on déménage et nous nous sommes installés à l’ancien hôtel des postes de Juvignac. Dans cet espace, on profite de 200 m2 et d’une rue privatisée, un espace formidable pour les arts de la rue. Au-dessus nous avons un autre espace qui correspond à l’ancien appartement de fonction du directeur. Juvignac est l’archétype de l’espace périurbain : c’est une commune pavillonnaire qui touche Montpellier et qui a eu un essor démographique très fort. Le paysage, le rapport entre les populations, les nouveaux quartiers : c’est un ensemble qui  questionne le rapport des habitants à l’espace public. C’est aussi un joli pendant à l’activité et le coeur de projet de l’Atelline qui est de soutenir et d’accompagner la création artistique professionnelle des arts vivants dans l’espace public. 

Quelles sont les différentes activités de l’Atelline ? 

Il y en plusieurs ! Nos activités portent des noms différents : la Fabrique de la Création, la Fabrique des Paysages, et la Fabrique du Regard. 

Qu’est-ce que la Fabrique de la Création ? 

La Fabrique de la Création correspond au volet d’accueil en résidence. La création des arts vivants en espace public, c’est de la danse contemporaine, du théâtre dans sa forme plus classique, il y a aussi un attrait assez fort pour la déambulation, parfois des projets « indisciplinaires » ou circassiens. Nous avons aussi des balades chorégraphiques et sensibles. 

Il y a souvent une méconnaissance de l’exigence et de la grande qualité des propositions professionnelles pour l’espace public. On a tendance à imaginer que c’est divertissant et en fait il y a une grande vitalité et une diversité. Lorsqu’on crée dans une boîte noire, on a tout l’environnement qui est là pour. À l’inverse, dans l’espace public on entre en dialogue avec ce qui est autour, et ça demande beaucoup de travail. Les créations ont la capacité de venir surprendre dans le quotidien. Il y a aussi une dimension politique et sociétale tout en étant dans une diversité des propositions. Il peut y avoir des formes très joyeuses et ludiques mais qui s’appuient sur un travail d’écriture au coeur des préoccupations actuelles, qu’elles soient politiques, environnementales ou sociologiques. 

On ne peut pas parler de renouvellement des formes si on ne laisse pas aux artistes la liberté de chercher, de se tromper et de ne pas être directement dans une dynamique de production et de diffusion.

Comment accompagnez-vous les compagnies ? 

Concrètement, la façon la plus attendue ce sont les accueils en résidence de production. Chaque année nous choisissons d’accompagner quelques compagnies dans leur projet pendant une semaine à quinze jours. Pour les résidences de recherches artistiques ça peut être plus long. Nous finançons les temps de résidence et nous hébergeons les artistes. 

Depuis 14 ans, nous développons aussi une résidence collective d’accompagnement à l’écriture et à la dramaturgie, à La Chartreuse. Dans ce cadre, nous accompagnons trois auteurs ou autrices qui viennent avec un membre de l’équipe artistique, impliqué lui aussi dans le processus d’écriture. Pendant une semaine, ils rencontrent plusieurs professionnels (metteur en scène, dramaturge, sociologue) et le projet est questionné. Nous sommes là pour les aider à muscler les choix d’écriture et de dramaturgie. Ce dispositif a tellement de succès que nous avons créé trois jours à Juvignac construits sur le même principe. Enfin, il peut aussi nous arriver d’accueillir des laboratoires, des espaces de recherche. On ne peut pas parler de renouvellement des formes si on ne laisse pas aux artistes la liberté de chercher, de se tromper et de ne pas être directement dans une dynamique de production et de diffusion. 

Pouvez-vous parler de la Fabrique du regard ? 

Avec la Fabrique du Regard, nous sommes dans une démarche plus attendue. Il s’agit de la politique d’éducation artistique et culturelle, ce sont aussi les projets artistiques de territoires. Chaque année, nous participons aux projets soutenus par la politique de la ville. Nous avons été très présents dans le quartier Celleneuve. Nous allons bientôt démarrer un projet avec la compagnie Sous X qui va questionner l’adolescence. Ce sera une création participative pour laquelle nous allons implanter le travail de création dans le quartier de la Mosson. Dans ce même quartier, nous allons faire venir Camille Faucherre, l’un des directeurs artistiques de la compagnie La Générale d’Imaginaire. Il viendra travailler sur la question du genre dans l’espace public.

Peut-on en savoir sur la Fabrique des Paysages ? 

La Fabrique des Paysages, c’est l’ensemble des projets que l’on peut initier ou auxquels nous sommes conviés. Ils viennent travailler le frottement entre création en espace public, création artistique et projet urbanistique ou participatif à l’échelle d’un quartier. Là encore nous essayons de croiser les compétences, les approches et de favoriser une démarche transversale. Nous souhaitons défendre le fait que faire entrer une démarche artistique et une approche sensible, c’est trouver une façon plus intelligente de travailler sur les espaces publics. 

En septembre vous avez imaginé un temps de « Conversations » pour les professionnels ? 

Pendant le confinement, je passais mes journées au téléphone avec les artistes à discuter, à imaginer des reports, à entendre leur solitude. Ce qui m’a frappé c’est l’isolement dans lequel on s’est tous retrouvé. Il y a eu de gros rendez-vous en vidéo où il y a eu ce besoin de parler de la situation. À partir de ça, nous avons créé des Conversations : une rencontre interprofessionnelle autour de la question de l’espace public. Nous avons réuni plusieurs professionnels : anthropologue, sociologue, architecte, dramaturge pour lancer des sujets et en discuter. Ce rendez-vous s’est déroulé sur trois jours au Théâtre des 13 vents.

Vous souhaitez lancer une diffusion plus large des spectacles que vous accueillez en résidence ? 

Nous avons effectivement envie d’écrire des temps plus longs et de pouvoir programmer les spectacles que nous avons accompagné ou bien de programmer le spectacle d’une compagnie la même année où nous l’accueillons en résidence pour sa prochaine création. L’idée c’est d’ancrer une diffusion artistique à l’échelle de la métropole et de toucher un public plus large. 

Comment continue votre travail pendant cette période d’arrêt ? 

Jusqu’à présent, nous sommes surtout dans l’accueil et moins dans la diffusion. Nous avons réussi à reporter la majorité de nos accueils en résidence.Trois projets ont tout de même dû être reportés en 2021. Pour la partie diffusion artistique, nous avons choisi de ne rien programmer avant l’automne prochain. Nous n’avons pas assez de visibilité et c’est très dur de devoir annuler. Ce qu’il faut souligner c’est que, dans cette crise, l’espace public est l’un des premiers condamnés. On est donc empêché. Cette situation demande également d’être très présent pour les compagnies qui sont en souffrance. On devrait les laisser répéter, travailler. Le secteur culturel a toujours été inventif. On finit par tracer des voies à partir des contraintes. Il faut continuer à soutenir la création et se dire qu’il faut faire commun, trouver des solutions ensemble. `

Plus d’informations : latelline.org

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