Il y a d’un côté les icones, les stars de la pop, de la science ou du cinéma, que les médias ont transformées en nouvelles divinités, et puis il y a ces milliers d’objets rejetés par la société de la consommation à outrance, ou oubliés par elle (les coquillages naturels). L’art de Bernard Pras c’est d’associer les deux, dans de stupéfiantes anamorphoses.
Ainsi les fantômes du passé prennentils forme, sous les mains baladeuses, voyageuses, de l’artiste, et dans le va-et-vient qu’il s’impose afin de régler son arrêt sur image. L’Histoire de la peinture, comme celle du cinéma, ou des people en général, est aussi revisitée, Bernard Pras se servant le plus souvent de la photo, du tableau et de techniques mixtes. Plus l’ordinateur car au nom de quel passéisme s’en priverait-on ? En la Galerie AD, c’est à des installations réalisées sur place que nous sommes conviés. Une fête des objets collectés aux quatre coins du monde et sauvés en quelque sorte du naufrage.
Ainsi les célébrités se retrouvent-elles métamorphosées en êtres hauts en couleur. Car Bernard Pras fait rarement dans la sobriété. Il aime les teintes vives et ne se prive pas d’y recourir par larges zones. De même, il n’hésite pas à accumuler des ustensiles de cuisine par ex (les couteaux, pour les falaises d’Étretat) dans le double objectif de récupérer des objets certes mais aussi des images, lesquels témoignent forcément d’un passé révolu.
Arcimboldo n’est pas loin mais qui aurait pris corps, se concrétiserait dans l’espace, et s’émanciperait des seuls produits alimentaires. Dali également mais la perspective ici est plus sociologique que surréaliste. Enfin, on peut penser à Vik Muniz mais sans la démesure du gigantisme et une certaine démagogie.
Pour cette expo, Pras a vu large : le cinéma (L’empire des sens, Woody Allen), la pensée humaine (Descartes), la BD (Tintin, dont on a l’impression qu’il court avec des prothèses), la peinture (La source d’Ingres), la mythologie (Aphrodite), les media et les voyous sympas (Pierrot le Fou), les slogans enfin (We can do it).
Un aperçu non exhaustif de ce qui l’inspire en général. Ainsi Pras volet- il son image à la photo et la restitue-t-il en trois dimensions. Et même en quatre, si l’on considère le temps qu’il lui faut pour concevoir et fabriquer l’image, à laquelle il apporte relief, temporalité et nouvelle singularité. Il les extrait à l’instar des objets trouvés, de la standardisation médiatique pour les revigorer d’un nouveau souffle. Ainsi les fantômes prennent-ils corps et âme.
BTN
Jusqu’au 29 octobre AD Galerie – 40, allée Giacometti à Montpellier (34).
Tél. 04 67 83 61 93.