Il est d’autant plus émouvant de voir cet artiste d’origine hongroise mais qui vit et œuvre souvent à Gignac, dans l’Hérault, que le tout dernier livre d’Yves Bonnefoy lui est consacré.
On peut ainsi retrouver dans la manie de traquer la présence des arbres qui caractérise la production d’Alexandre Hollan depuis plusieurs décennies l’esprit de cet immense poète dont il fut l’ami, et qui lui fit l’honneur de le visiter dans son mas au cœur des vignes, afin de mieux apprécier sa façon de travailler.
Hollan use en effet d’un étonnant dispositif qui lui permet d’observer son motif végétal de prédilection, le mouvement vital qui le caractérise, les vibrations qu’il en perçoit, la forme qui lui apparaît, derrière les leurres du visible. Cette exposition au Cellier des Évêques, remarquablement conçue, permet de pénétrer les arcanes du patient travail de mise en forme et en espace de l’arbre, dans des fusains, des acryliques, ou des exercices préparatoires très éclairants. De même que pénétrer dans les mystères concrets que nous propose l’arbre (« plonger dans l’océan du feuillage. Nager dans ses vagues », précise Hollan) en fait perdre les contours, le visiteur est invité à percevoir le détail du processus créatif du peintre, avant que d’être confronté aux grands formats des tableaux, réalisés quant à eux en atelier. On commence d’ailleurs par les photos d’arbres réels, ce qui ne montre que mieux les transformations opérées par le traitement graphique et coloré.
En fait trois mots sont essentiels pour cerner la quête du peintre : mouvement, induit par le trait, simple ou continu ; forme, qui parfois s’éloigne du référent si bien qu’on peut considérer qu’elle s’émancipe et acquière son autonomie picturale ; l’espace enfin qu’elle fait réagir et parfois contamine, et dans lequel la forme demeure en suspens, au seuil d’une étrangeté qui devient familière, à force d’insistance et de pénétration réitérée. La 4ème salle permet d’ailleurs de se familiariser avec cette triade, dans une installation, à base de pupitre, et qui semble dessiner un essor, à l’instar de l’arbre, au fusain… Quelques spécimens, dont le parcours nous est d’ailleurs fourni en début d’expo, suffisent à combler la quête d’une vie.
Mais après tout n’en est-il pas de même dans la vie quotidienne où quelques êtres sont choisis non seulement au hasard d’une rencontre mais également par affinité élective ? Et même le peintre des nus doit se limiter, finitude humaine oblige, à quelques êtres choisis pour leur qualité respective. Il en est de même pour Hollan qui fait confiance à la sensation, et pourrait répondre, à la question posée par Montaigne au sujet de l’amitié : parce que c’était lui, parce que c’était moi et que l’un peut aisément passer pour l’autre.
L’exposition réserve bien des surprises comme ce lavis démesurément agrandi et assurant la transition d’une pièce à l’autre, ou ses pliages en triptyques, déferlant du haut des murs. On peut être sensible également à l’alternance des pleins et des déliés qui nous renvoie à l’écriture, que pratique Hollan dans ses notes, à laquelle il recourt pour choisir ses titres, noms de baptême des arbres, lui qui a sollicité les plus grands poètes (Bonnefoy, Jaccottet, Sacré, Stétié…). De l’humble observation des dessins au fusain ou des traits aux 3 primaires, à la transfiguration par le grand format sur le tableau peint, une expérience se raconte, mais qui n’est intérieure que pour intégrer le monde extérieur, façon de passer du monde du visible à celui de l’invisible, avec l’arbre comme intercesseur.
BTN
Jusqu’au 6 novembre au Cellier des Évêques
Cours Gambetta à Lodève. Tél. 04 67 88 86 10.